Récemment, les algorithmes d’intelligence artificielle sont devenus très performants pour la reconnaissance visuelle ou vocale. Mais, l’exécution de ces programmes sur nos ordinateurs conventionnels consomme dix mille fois plus d’énergie qu’un cerveau humain pour réaliser la même tâche. Pour réduire la consommation électrique, il faut construire des ordinateurs inspirés du cerveau intégrant un très grand nombre de neurones et de synapses. Assembler autant de composants (au moins de l’ordre du million) dans un espace raisonnable nécessite que ceux-ci soient de taille nanométrique. Cependant, jusqu’ici, personne n’a su fabriquer un nano-neurone artificiel suffisamment stable pour calculer de façon fiable malgré une taille miniature.
Dans cet article [1] nous démontrons expérimentalement que des oscillateurs spintroniques constituent des nano-neurones suffisamment stables pour réaliser des tâches cognitives complexes de reconnaissance vocale. La dynamique non-linéaire de l’aimantation des oscillateurs spintroniques est particulièrement stable. Nous l’avons utilisé pour imiter un comportement de neurone. Chaque giration de l’aimantation est convertie grâce à des phénomènes magnéto-résistifs en une oscillation de la tension émise par l’oscillateur. Ces oscillations sont analogues aux impulsions électriques émises par un neurone. En tirant partie de cette réponse nous avons pu reconnaître des chiffres prononcés par différents locuteurs avec un succès de 99.6%. L’objectif à terme est de réaliser des puces miniature intelligentes, consommant très peu d’électricité, capables d’apprendre et de s’adapter aux situations mouvantes et ambigües du monde réel. Ces puces électroniques trouveront des applications multiples dans tous les domaines mettant en jeu des tâches de reconnaissance, par exemple pour diriger intelligemment des robots ou des véhicules autonomes, aider les médecins dans leur diagnostic ou encore améliorer les prothèses médicales.
Ce travail est le fruit d’une collaboration entre l’Unité Mixte de Physique CNRS-Thales, le National Institute of Advanced Industrial Science and Technology (AIST), le Centre de Nanoscience et Nanotechnology (C2N) et le National Institute for Science and Technology (NIST).
[1] J. Torrejon, M. Riou, F. Abreu Araujo, S. Tsunegi, G. Khalsa, D. Querlioz, P. Bortolotti, V. Cros, K. Yakushiji, A. Fukushima, H. Kubota, S. Yuasa, M. D. Stiles, J. Grollier, Neuromorphic computing with nanoscale spintronic oscillators. Nature. 547, 428–431 (2017).