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Des oxygènes avares en électrons contrôlent le magnétisme interfacial dans les nickelates

Dans les oxydes de métal de transition, les liaisons atomiques sont en général ioniques, ce qui signifie que les électrons se trouvent soit sur l’ion métallique, soit sur l’oxygène. Cependant, dans certains composés comme les pérovskites de nickel ou de cuivre, les liaisons sont plutôt covalentes et les électrons sont alors mis en commun entre le métal de transition et l’oxygène. Souvent, la situation est intermédiaire et le contrôle précis entre ces deux types de liaisons joue probablement un rôle essentiel dans l’émergence de la supraconductivité haute-température dans cuprates. Ainsi, dans la quête actuelle d’un nouveau supraconducteur basé sur des multicouches d’oxydes, quantifier et contrôler ce niveau de covalence dans les différentes couches d’oxyde est aussi important que de contrôler le nombre total d’électrons se propageant d’une couche à l’autre.

Dans notre étude parue récemment dans Nature Physics, nous montrons qu’à l’interface entre une pérovskite de nickel et un matériau ionique (ici, une pérovskite de titane), les électrons sont transférés à la nickelate dans une proportion contrôlée par le niveau de covalence. Pour un niveau de covalence faible comme dans SmNiO3, la quantité totale de charge transférée est la plus grande, alors que dans LaNiO3, le niveau très fort de covalence contrarie le transfert d’électrons. En effet, ajouter des électrons dans de tels systèmes a tendance à perturber le niveau de covalence, induisant un coût énergétique important que le matériau tente de minimiser en conservant son niveau de covalence.

De façon remarquable, bien que nos interfaces ne montrent pas de supraconductivité, elles développent un nouvel état ferromagnétique, qui n’existe pas dans les nickelates à l’état massif, et dont les propriétés sont modifiées par le niveau de covalence. Un travail plus approfondi reste nécessaire pour clarifier le mécanisme de couplage magnétique et réussir à obtenir une plus grande conductivité interfaciale. Toutefois, nos résultats permettent déjà de mettre en évidence la covalence comme un élément essentiel à prendre en compte dans la recherche de nouveaux états électroniques au sein d’hétérostructures d’oxydes corrélés.

M. N. Grisolia, J. Varignon et al., Hybridization-controlled charge transfer and induced magnetism at correlated oxide interfaces, Nature Physics (2016)